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One Water – Mir si Waasser
Protéger l’eau au Luxembourg : pourquoi et pour qui ?
Une ressource précieuse… mais vulnérable
L’eau est à la base de toute vie. Nous sommes nous-mêmes faits d'eau, et notre vie, ainsi que notre santé, en dépendent. Elle fait pousser les légumes, circule dans nos rivières, alimente nos foyers. Elle irrigue nos champs, rafraîchit nos étés et soutient les écosystèmes. Pourtant, cette ressource précieuse est aujourd’hui sous pression. À première vue, on pourrait croire que le Luxembourg est un pays riche en eau. Pourtant, la réalité est bien différente. Nos rivières sont souvent petites, à faible débit, et donc particulièrement vulnérables aux pollutions et aux périodes de sécheresse. Et si l’eau potable reste d’excellente qualité, les ressources en eau – rivières, nappes souterraines, lacs – subissent les conséquences cumulées de nos modes de vie.
Des progrès visibles, des efforts à poursuivre
Au Luxembourg, aucune masse d’eau de surface n’a atteint le bon état écologique, tel que défini par la directive-cadre sur l’eau (directive 2000/60/CE). Et ce constat n’est pas le reflet d’une absence d’efforts - au contraire, au fil des années, d’importants progrès ont été réalisés : modernisation des stations d’épuration, réduction des pollutions ponctuelles, renaturation de certains cours d’eau...
Mais la situation reste fragile, et les causes de cette dégradation sont multiples :
- excès de nutriments et de pesticides issus entre autres de l’agriculture,
- pollution industrielle et domestique,
- artificialisation croissante des sols,
- effets du changement climatique,
- pressions liées à la croissance démographique et à l’urbanisation rapide.
À long terme, la disponibilité de l’eau pourrait être affectée. Une rivière artificialisée ou surchargée en nutriments perd en biodiversité, en oxygène, en beauté. Tout comme l’eau suit un cycle continu et constitue la base de notre existence, notre bien-être est intimement lié à la bonne santé des ressources en eau et cela finit par nous toucher, toutes et tous.
One water – Mir si Waasser : Une campagne nationale pour changer notre rapport à l’eau
Portée en collaboration par l’Administration de la Gestion de l’Eau (AGE) et Citizens for Ecological Learning and Living asbl (CELL), cette campagne nationale s’inscrit dans un effort de long terme pour changer notre rapport à l’eau. Son objectif : nous reconnecter à l’eau, ce bien commun vital, et donner à chacun les moyens de comprendre, d’agir et de soutenir le changement.
Pour cela, CELL a rencontré et interviewé l’Administration de la Gestion de l’Eau, afin de mieux comprendre la situation actuelle, les progrès réalisés, les difficultés rencontrées, et surtout les leviers d’action.
Ce qu’on peut retenir : état des lieux et enjeux
L’eau au Luxembourg est régie entre autres par la directive-cadre sur l’eau qui est très exigeante. Elle distingue :
· l’état écologique et chimique des eaux de surface (rivières, lacs),
· et l’état quantitatif et qualitatif des eaux souterraines.
Malgré de grands efforts, aucune masse d’eau de surface n’atteint encore le “bon état” requis. Cela ne signifie pas que rien n’a été fait. Au contraire :
« Sur l’assainissement, des investissements importants ont été réalisés : stations d’épuration, réseaux, traitement des eaux pluviales… Cependant, évaluer l’état des eaux ne repose pas sur un seul paramètre isolé. C’est l’ensemble de nombreux indicateurs qui permet de dresser un tableau complet et précis de la qualité de l’eau. : il suffit qu’un seul soit en dessous du seuil, et toute la masse d’eau est considérée comme n'ayant pas atteint le bon état tel que requis . C’est très exigeant, mais cela pousse à une vision globale et commune. » — Anne-Marie Reckinger, directrice adjointe de l'Administration de la Gestion de l'Eau.
La croissance démographique, le développement urbain et les pressions agricoles complexifient encore davantage la tâche. De plus, les répercussions du changement climatique rendent les systèmes hydriques plus vulnérables : précipitations irrégulières, sécheresses prolongées, augmentation des températures de l’eau dans les cours d’eau...
« Nos rivières sont petites, avec de faibles débits. Une petite pollution peut de ce fait avoir un gros impact. »
Trois grands leviers pour avancer ensemble
La campagne One water – Mir si Waasser repose sur trois piliers :
1. Utiliser l’eau de manière plus efficiente
Au Luxembourg, les ménages représentent à eux seuls 60% de la consommation d’eau potable. Cela montre que chacun de nous peut avoir un véritable impact.
« On ne parle pas de se priver, mais d’optimiser l’usage et d’éviter des gaspillages. »
Optimiser l’usage de l’eau, c’est :
· Réduire les gaspillages dans la vie quotidienne (par exemple fuites, robinets ouverts inutilement, appareils mal réglés) ;
· Réutiliser l’eau de pluie pour certaines activités ;
· Adopter les bons réflexes en période de sécheresse — comme réduire les usages non essentiels ou retarder l’arrosage — devient essentiel face à leur fréquence croissante.
Chaque geste individuel est un acte de solidarité envers la santé de notre écosystème et des générations futures (pour en savoir plus, découvrez la campagne "Zesumme fir eist Waasser" menée par l'AGE en 2022.
2. Redonner de la liberté aux rivières
Pendant longtemps, nous avons voulu maîtriser les cours d’eau : canaliser les rivières, stabiliser les berges, construire près des lits mineurs. Mais aujourd’hui, ces pratiques montrent leurs limites : la biodiversité s’appauvrit, les risques d’inondation augmentent, et la capacité des cours d’eau à s’autoréguler diminue.
« La rivière a besoin d’espace pour maintenir son équilibre écologique. Lui redonner de la place, c’est renforcer notre résilience. »
Des solutions existent :
· Renaturation des cours d’eau : pour des milieux aquatiques vivants et résilients ;
· Supprimer les obstacles inutiles se trouvant dans les cours d’eau qui entravent la libre circulation de l’eau et des espèces aquatiques qui y vivent, comme par exemple les poissons ;
· Végétaliser les abords pour ralentir le ruissellement de substances polluantes vers les rivières ;
· Intégrer des solutions de rétention d’eau dans les projets d’urbanisme.
Et cela fonctionne : là où la nature reprend ses droits, les écosystèmes se reconstituent, les inondations s’atténuent et la qualité de l’eau s’améliore.
3. Réduire les pollutions
Aujourd’hui, grâce aux progrès réalisés au niveau des analyses en laboratoire, nous savons détecter dans l’eau des substances en quantité infime – parfois à des concentrations mille fois plus faibles qu’il y a dix ans.
Mais savoir mesurer ne suffit pas : il faut agir à la racine.
« Beaucoup de ces polluants sont difficiles, voire impossibles à éliminer une fois présents dans l’environnement naturel. Le plus efficace, c’est de les empêcher d’y entrer. »
Cela passe entre autres par :
· Une réduction de l’usage des pesticides ;
· Un meilleur encadrement et une régulation stricte des effluents industriels ;
· Une vigilance accrue sur les produits du quotidien : présence de microplastiques dans les produits cosmétiques ou autres, élimination correcte des médicaments qui ne sont pas à jeter dans l’évier...
Mais cela suppose aussi des outils : étiquetage clair, labels, filtres, formations, législation. Et un changement de posture collectif, à tous les niveaux de la société.
Une responsabilité partagée
Le message est clair :
« Protéger l’eau, c’est nous protéger nous-mêmes. La gestion durable de cette ressource précieuse ne peut reposer que sur un engagement commun entre autorités, citoyens et secteurs clés. C’est ensemble, par l’interconnexion de nos efforts, que nous verrons de réelles améliorations. » - Marc Hans, directeur de l’Administration de la gestion de l’eau
C’est tout le cœur de cette campagne : rappeler que chacun peut contribuer à sa manière, mais que seul l’engagement de tous permettra un véritable changement.
· Les agriculteurs peuvent ajuster leurs pratiques pour limiter les intrants chimiques.
· Les communes peuvent libérer de l’espace autour des cours d’eau pour leur permettre de retrouver leur lit naturel.
· Les industriels peuvent réduire les polluants à la source.
· Les citoyens peuvent éviter certains produits cosmétiques, ramener leurs médicaments non utilisés à la pharmacie, ne pas gaspiller l’eau à la maison.
· Les autorités publiques, enfin, peuvent encourager les pratiques durables, faciliter les renaturations et sensibiliser plus largement.
En somme, protéger l’eau, c’est une affaire collective. Chacun à son échelle peut soutenir les efforts en cours — et participer à construire un avenir plus résilient.
Pourquoi maintenant ?
En 2027, les États membres de l’UE doivent théoriquement avoir atteint les objectifs de la directive-cadre sur l’eau. Pour le Luxembourg, ce ne sera pas possible partout — mais chaque progrès est important. « Si on n’atteint pas l’objectif du bon état partout, il faut au moins définir l’objectif le plus ambitieux que l’on peut atteindre, et s’y engager avec sincérité », affirme l’équipe de l’AGE.
C’est aussi maintenant que les citoyens peuvent faire entendre leur voix.
Une campagne inclusive et participative
Cette campagne s’inscrit dans un processus transparent et évolutif. En fin d’année une consultation du public aura lieu pour définir les priorités du prochain plan de gestion de l’eau. Cette année et l’année prochaine, une attention particulière est portée à la participation citoyenne : ouvrir le débat à toutes et tous, au-delà des seuls experts, pour faire de la gestion de l’eau une démarche vraiment collective. La consultation sera disponible sur la plateforme Zesumme Vereinfachen.
En complément, la campagne invite à :
· S’informer : grâce à des contenus pédagogiques ;
· S’engager : avec des conseils pratiques et des gestes simples à adopter ;
· Participer : une consultation du public aura lieu en fin d’année pour contribuer à la définition des enjeux majeurs en matière de gestion de l’eau que l’on rencontre au Luxembourg.
Et concrètement ?
Sur les réseaux de l’AGE et de CELL, vous trouverez dans les semaines et mois à venir :
- des conseils pratiques pour mieux utiliser l’eau au quotidien ;
- des vidéos pédagogiques et inspirantes ;
- des portraits d’acteurs engagés ;
- des ressources pour mieux comprendre les enjeux en matière de gestion de l’eau au Luxembourg.
Vers une culture de l’eau
Cette campagne ne vise pas uniquement à informer — elle cherche à créer une culture de l’eau. Une culture dans laquelle l’eau n’est plus vue comme une ressource illimitée et gratuite, mais comme un bien commun, fragile et précieux et donc à protéger au mieux.
Elle invite à reconnaître la valeur de l’eau au quotidien, à mieux comprendre le lien entre nos choix (d’alimentation, d’habillement, d’urbanisme) et la santé de nos rivières et eaux souterraines. Et à soutenir activement les politiques publiques de renaturation, même lorsque cela implique de laisser plus d’espace à la nature, de mettre à dispositions des espaces pour pouvoir y réaliser les renaturations ou de repenser certains usages du territoire.
Agissons ensemble et faisons de l’eau une priorité commune
Protéger les ressources en eau, c’est protéger ce qui nous relie. C’est construire un territoire plus sain, plus résilient, plus vivant. C’est choisir un avenir qui respecte la nature et ceux qui y vivent.