Contamination des eaux souterraines par les pesticides

Les produits phytopharmaceutiques, herbicides, fongicides, qui sont appliqués sur les sols agricoles, sont plus ou moins rapidement dégradés par l’action conjuguée de processus biotiques (dégradation microbienne) et abiotiques (photodégradation, hydrolyse, etc.). Cette dégradation dépend des propriétés intrinsèques de la substance active et des conditions physico-chimiques du milieu (température, humidité, pH, etc.). Lorsque les concentrations en certains produits phytopharmaceutiques ou en leurs produits de dégradation (métabolites) sont mesurées à des concentrations élevées, dépassant les normes de qualité et les limites de potabilité définies pour les eaux destinées à la consommation humaine, des interdictions d’application des substances sont imposées. Cela a été le cas entre autres pour les substances actives suivantes :

  • l’atrazine, herbicide principalement utilisé sur les cultures de maïs, interdit en 2003,
  • le S-métolachlore, herbicide utilisé sur les cultures de maïs, interdit en 2015 sur tout le territoire luxembourgeois[1],
  • le métazachlore, herbicide utilisé sur les cultures de colza, interdit en 2015 dans les zones de protection[2].

La surveillance qualitative des eaux souterraines montre que les produits de dégradation du métazachlore et du métolachlore sont encore présents dans les eaux souterraines à des concentrations plus ou moins importantes en fonction des stations de mesure, plusieurs années après l’interdiction des substances mères.

L’interdiction des substances n’entraîne malheureusement pas une baisse immédiate des concentrations dans les eaux souterraines et les différents captages. Un temps de décalage entre la mise en place d’une mesure et son impact sur les eaux souterraines est observé. En effet, les substances épandues en surface, qui seront lessivées et dans une certaine limite dégradées dans le sous-sol, vont traverser parfois des dizaines de mètres de formations plus ou moins perméables avant d’atteindre les eaux souterraines. Il peut donc parfois y avoir un décalage de plusieures années ou plusieures dizaines d’années entre l’application d’une substance à la surface et l’arrivée de ses produits de dégradation dans un captage d’eau potable. On peut alors tout à fait constater une augmentation des concentrations en certains métabolites dans les eaux souterraines, parfois plusieures années, voire plusieures dizaines d’années, après l’interdiction de sa substance mère. Les propriétés de l’aquifère, qui renferme les eaux souterraines, ainsi que les propriétés de la substance phytopharmaceutique influent considérablement sur le temps de résidence du produit de dégradation dans les eaux souterraines. A titre d’exemple, il a été calculé que la source Pulvermuhle (code national SCC-1-56), exploitée par la Ville de Luxembourg, et la source Millbech (code national SCC-402-01), qui appartient à l’Administration communale de Contern, atteindront une bonne qualité par rapport aux concentrations en métazachlore-ESA et en métolachlore-ESA respectivement en 2044 et 2101. Il faudra donc attendre encore quelques années, voire dizaines d’années, avant de voir les effets de l’interdiction de ces substances sur la qualité des eaux souterraines sur l’ensemble du réseau.

En ce qui concerne le métazachlore-ESA, qui n’a été analysé que depuis 2014 avant l’interdiction de sa substance mère en 2015, on remarque une grande variabilité des concentrations d’une mesure à l’autre. Cependant, certaines tendances peuvent être distinguées : quelques stations montrent une nette tendance à la baisse, comme illustré sur le graphique suivant pour une source non captée (code national SNC-204-02) et la source Troine (code national SCC-601-01), cette dernière étant exploitée par l’Administration communale de Wincrange. D’autres stations, tels que le puits Boumillen nouvelle (code national PCC-406-02) appartenant à l’Administration communale de Schuttrange, montrent une tendance à la hausse.

Figure 1 : Evolution des moyennes annuelles (2014-2021) en métazachlore-ESA au niveau des stations de mesure du réseau DCE. Les traits pointillés rouge et orange représentent la norme de qualité, respectivement 75% de la norme de qualité.

 

Pour le puits PCC-803-01, appartenant à l’Administration communale de Préizerdaul, on observe sur le graphique ci-dessous que malgré l’interdiction du métazachlore en 2015, les concentrations dans les eaux souterraines ont continué d’augmenter jusqu’en 2017, puis on observe une tendance à la baisse. On voit cependant que les concentrations mesurées en 2021 sont de l’ordre de 1200 ng/l, soit 12 fois plus élevées que la norme de qualité et la limite de potabilité. Il faudra encore de très nombreuses années pour que les concentrations diminuent et soient inférieures à la limite de potabilité de 100 ng/l.

Figure 2: Evolution des moyennes annuelles (2014-2021) en métazachlore-ESA au niveau du puits PCC-803-01. Les traits pointillés rouge et orange représentent la norme de qualité, respectivement 75% de la norme de qualité.

 

1 Règlement grand-ducal du 12 avril 2015 portant a) interdiction de l’utilisation de la substance active S-métolachlore et b) interdiction ou restriction de l’utilisation de la substance active métazachlore : https://data.legilux.public.lu/file/eli-etat-leg-memorial-2015-76-fr-pdf.pdf

2 Règlement grand-ducal du 12 avril 2015 portant a) interdiction de l’utilisation de la substance active S-métolachlore et b) interdiction ou restriction de l’utilisation de la substance active métazachlore : https://data.legilux.public.lu/file/eli-etat-leg-memorial-2015-76-fr-pdf.pdf

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